CÉLINE

CÉLINE



Comment croire que tant de génie
Cachait une si grande haine
Le visage de l’ignominie
L’horreur à figure inhumaine
Que derrière la petite musique
La révolution littéraire
Couvait l’exaltation cynique
Aux pestilences pamphlétaires

Les mots nous soulèvent le cœur
De bagatelles dégueulasses
De cadavres en puanteur
De beaux draps étalant leur crasse
Serait-ce là toute la gloire
Du maudit et du mal-aimé
Qui réussit contre l’histoire
À nous bouleverser à jamais

Oui, comment ignorer aussi
Derrière les cris de désespoir
La douleur que rien n’adoucit
Notre horizon morbide et noir
Ne pas lire au-delà des mots
En chercher le sens et l’essence
N’en extraire que les pires maux
Scander d’opportunes sentences

L’héroïsme de pacotille
Et la pourriture du monde
Les fausses valeurs aux chevilles
Sont toujours nos ancres profondes
Sommes-nous vraiment prisonniers
De nos hypocrites consciences
Pour qu’on s’oblige à s’indigner
À dresser bûchers et potences

Comment peut-on aimer encore
Chasser, hurler avec les loups
Danser dans le triste folklore
Des bien-pensants et des jaloux
Bébert doit se tordre de rire
Comme la mort derrière le blabla
Les illusions et les délires
Dans les pages de Mea Culpa

Tant de plumes ont trempé leur bec
Dans l’encrier de l’aversion
Tant d’œuvres dans nos bibliothèques
Dans le rayon des abjections
Nos étagères seraient bien vides
Sans Aragon et Baudelaire
Léautaud, Proust, Genet et Gide
Jouhandeau, Morand, Sartre et Voltaire

Comment peut-on croire aujourd’hui
Qu’après un voyage qui mène
Au bout d’une si longue nuit
Un homme puisse en sortir indemne
Il est à l’issue du tunnel
Exilé, proscrit, détesté
Mais, privilège exceptionnel
De toute entrave délesté

D’aucuns rêvent d’une flânerie
Où ils arrivent lentement
De sombritudes en féeries
À Montmartre, au commencement
Et découvrent avec émotion
Le cœur battant dans la poitrine
La plaque de commémoration
Saluant Louis-Ferdinand Céline.

Paroles : Brindille – Musique : Georges Nawrocki